Droopy || Petit, robuste et persévérant.
Sur les terres des frères rouges (5)
Traversant la Taïga par une piste boueuse et déformée, nos amis se retrouvent en panne au bord de la route de la grande forêt. Droopy souffre d'une lame de ressort cassée et il manque encore 150 km avant d'atteindre le premier village.( cf. Sur les terres des frères rouge 4)
Stoïque Droopy ne pipait pas mot et à son silence venait s'ajouter celui de la forêt. L'Ado était venu rejoindre le Gros sous le camion. Ensemble, ils contemplaient la casse avant de prendre une décision. Le danger était réel et un effort trop violent sur cette suspension déficiente aurait pu engendrer une fracture ou une cassure du pont avant. Dans ce cas, il se seraient retrouvés immobilisés pour de bon, dans la forêt, en attente de secours importants, pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines. Ainsi couchés sur le sol poussiéreux, au milieu des gravillons et des pierres, ils perçurent une vibration légère, comme si la terre murmurait quelque chose. Comme des indiens, ils plaquèrent leur oreilles contre le sol pour mieux entendre. Le murmure ressemblait à un doux ronronnement qui peu à peu s'amplifiait. L'Ado sortit de sous le camion, pour satisfaire sa curiosité. Le Gros lui continuait à prêter l'oreille à ce murmure qui maintenant grondisait régulièrement et calmement alors, l'Ado s'écria:
- Je l'entends, ça vient de là-bas?
- Qu'est-ce que c'est?
- Je ne sais pas, de l'autre côté, ajouta-t-il en pointant du doigt la route qui se perdait entre les arbres majestueux.
Quelques minutes plus tard apparut entre les sapins qui bordaient la route, un immense camion chargé de bois qui se dandinait sur la piste défoncée. Arrivé à la hauteur de Droopy, il s'arrêta. Un bûcheron, d'un âge mur, en descendit et s'avança vers la famille en détresse. Son visage déjà buriné par le temps était adoucit par un regard doux, soutenu par deux yeux d'un bleu profonds. Bouboulineta un peu gênée tourna la tête et accompagnant d'un geste de la main, montra à l'inconnu les jambes de son mari qui dépassaient sous la carrosserie de Droopy.
Le bûcheron s'agenouilla près de la roue avant et salua le Gros qui s'évertuait sans succès à démonter la la lame de ressort cassée. Il luit fit signe de s'arrêter et d'attendre. Et tandis que le gros s'extirpait de dessous le corps de Droopy et époussetait la poussière de ses habits, le bûcheron remonta dans son véhicule sous le regards bienveillant de Bouboulineta et de ses deux filles.
Il en sortit une hache et disparut dans la forêt. La famille se regarda avec étonnement, puis ne tarda pas à percevoir les coups de hache qui résonnaient entre les arbres. Une dizaine de minutes s'étaient à peine écoulées que le bûcheron revint, portant sur son épaule le tronc d'un jeune boulot qu'il venait fraîchement d'abattre. Glissant le tronc sous la roue, il prit à l'œil, la mesure de la suspension cassée et avec une précision et une adresse surprenante, il transforma le tronc qu'il venait d'apporter en une atèle pour Droopy. Puis, il demanda au gros s'il n'avait pas quelques bouts de fil de fer à disposition.
Ce dernier ravit de pouvoir servir enfin à quelque chose, fouilla rapidement dans ses caisses à outils et lui tendit le matériel demandé. Ensemble, il fixèrent l'atèle sur la patte blessée de la monture.
La Babouine, visiblement aussi charmée que sa maman par la bienveillance de notre secouriste, avait entre temps confectionné un joli de bouquet de fleurs sauvages qu'elle lui tendit avec un large sourire. Le visage du bûcheron s'illumina, il prit les fleurs, les porta lentement vers son nez, puis fermant les yeux, il inspira profondément les parfums délicats qu'elles s'exhalaient. Il remercia la jeune fille en lui tendant la main. Et après avoir salué chacun de nous, il remonta dans son camion et disparut.
Pendant que la famille regardait s'envoler cet ange tombé du ciel, je sentais peu à peu la douleur s'évanouir et mon courage revenir. Il nous fallait maintenant reprendre la route avec une grande précaution pour s'assurer d'arriver jusqu'à Jigalova. Mais pour atteindre ce village, il nous fallait plusieurs heures, car notre progression ne dépassait guère les 15km/h tant la piste était impraticable avec ma patte cassée. Après deux bonnes heures, alors que nous avions à peine réduit notre distance d'une trentaine de kilomètres, la piste s'améliora. La tension baissa et je m'efforçais de progresser un peu plus vite pour assurer un 20km/h de moyenne. Chaque demi-heure passée était une petite victoire de plus qui nous remontait le moral. Au bout de trois nouvelle heures, le Gros qui surveillait régulièrement l'horizon s'écria:
- Asphalte, L'asphalte droit devant !
- Yahooouuuuuu! L'équipage exultait de joie.
- On a réussi, on a traversé la Taïga encore une fois! Répliqua le Gros soulagé.
Bouboulineta souriait à nouveau et les enfants dansaient et chantaient de joie sur la banquette arrière.
- « C'est un fameux trois mâts, fin comme un oiseau.
Hisse et ho, Hisse et ho, Santiano
18 noeuds, 400 tonneaux
Je suis fier, d'y être matelot »
En choeur toute la famille chantait, assurée d'arriver à bon port. Et moi, de mon côté, je dansais en clopinant, oubliant la douleur et relevant la tête. Ah! Comme c'était agréable de glisser à nouveau sur la couche goudronnée. Le village ne devait plus être loin, maintenant le repos et les soins seraient mérités. Je rêvais déjà d'un jeune infirmier qui prendrait soin de moi, quand deux voitures nous croisèrent à vive allure, l'une d'elle m'envoya une pierre sur le pare-brise qui commença à se fendre aussitôt. Le Gros freina prestement et en douceur pour se mettre au bord de la route. Bouboulineta sortit sa boîte de secours et m'appliqua quelques pansement pour éviter que la fissure ne se prolonge.
C'est ainsi que j'arrivais au garage, avec une patte cassée, une balafre au visage et un pneu crevé de quoi tenir en respect n'importe quel pirate des Caraïbes.
(A suivre)
@ L'Avi y Beatrice : En Asie ma vigueur était encore bien forte, mes exploits étaient d'autant plus lumineux. Maintenant avec l'âge je souffre de problèmes cardiaques récurrents . Les médecins me permettent moins de folies.
@ Araceli : L'Amérique ressemble à une terre promise! J'espère que Dieu me laissera le temps d'écrire toutes mes mémoires, il me reste encore tant à écrire, à raconter...
@ Maki maki: Tu l'as dit, on a beau faire des exploits la fin est la même pour chacun. Mais qui sait peut-être un miracle me fera ressuciter encore une fois. :P
Ilal Aman
Même si cette aventure arrive tard sur le blog, la connaissant de la bouche de Jacques au départ, je dois constater que tu es un brave type et que tu as pris de la bouteille : il n'est pas toujours facile de raconter ses misères avec ironie et tu commences à exceller dans la matière.
Ne te laisses pas abattre! Avec la vie de bâton de chaise que tu as menée jusqu'à ce jour tu as de longues aventures à vivre et à nous faire partager. Les sud américaines sont belles et avec ton " garbo " elles t'emporteront au septième ciel dès ta prochaine sortie hospitalière , mais attention : tu risques de vouloir rester là-bas pour toujours et tu nous obligeras à faire un tour dans le coin pour admirer ton bonheur.
;)
C'est vraiment une source de joie de te retrouver sain et sauf, ¨même si ce n'est qu'avec une jambe cassée. Il parait que en Amérique Latine tu as perdu un peu le sens de l' épique qui te ccharacterisait en Asie.
Nous imaginons que tu devras rédire plus que une fois l' épisode du bûcheron et tes auditeurs
vont admirer avec émotion sa génerosité, en premier lieu, mais aussi sa force, son courage, son imagination experimentée, son travail précis...
Ils admirerons aussi toute la peine qui se sont donés Ado et le Gross et ce sens de gratitude
qui s'est éveillé et qui a fait trouver à Bouboine et à sa maman le langage le plus adéquat.
Tout cela nous a touché profondement mainous admirons aussi ton courage por surmonter toutes les difficultés.
Nous embrassons tout le monde
L'avi et Beatrice